Depuis quelques années, le son rugit à Vitrolles, et le Festival Jardin Sonore s’impose désormais comme l’un des rendez-vous majeurs de l’été musical en Provence.
Un cadre splendide, une programmation toujours éclectique, audacieuse et bien pensée, et surtout un véritable soin porté à l’accueil, au son, à l’engagement. Cette année encore, l’affiche était de haut vol : Nile Rodgers, Texas, Cerrone, Sex Pistols, entre autres… Et si j’ai dû faire l’impasse sur les journées du 10 et du 12 juillet pour cause d’engagements pros, j’ai eu la chance de couvrir celle du 11 juillet, et croyez-moi, elle valait à elle seule le détour.
C’est Ménades qui ouvre la journée. Groupe viscéral et intense, Ménades fait jaillir l’énergie brute du punk rock des années 90, en y injectant des touches de shoegaze, de psyché, voire de funk, pour une alchimie à la fois crasseuse et vibrante.
Voix réverbérées, guitares dissonantes, rythmiques bondissantes… et surtout une tension continue qui électrise le public. Pas de fioritures, juste un son qui tape et une présence scénique sincère. Une valeur sûre, et un départ pied au plancher.
Sur la petite scène, La Flemme, quatuor marseillais au nom trompeur, balance une garage pop psyché pleine de vie et d’aspérités. Des guitares nerveuses, un chant habité, et un groove immédiat qui fait mouche. Le public, curieux, rentre vite dans le délire. Encore une preuve que la scène locale regorge de pépites, et que Jardin Sonore sait les mettre en lumière.
Retour sur la grande scène pour une leçon de punk rigolard avec les Toy Dolls. Plus de 45 ans de carrière, mais toujours la même envie de foutre le feu.
Un public en joie : difficile de ne pas succomber à cette ambiance débridée.
C’est le punk version fête foraine, mais avec de vraies tripes.
Petit regret perso : j’ai raté Brother Junior, dont on m’a vanté le set intense et groovy tout le reste de la soirée. Frustration, mais aussi promesse d’aller les (re)voir très vite.
Le clou du spectacle, c’est cette nouvelle version des Sex Pistols, portée aujourd’hui par Frank Carter, ex-chanteur des Rattlesnakes.
Après une première salve de concerts très remarqués au Hundred Club de Londres, là-même où le groupe avait éclos en 1976, les survivants Steve Jones, Glen Matlock et Paul Cook reprennent la route… et l’esprit.
Frank Carter ne fait pas semblant. Tatoué, habité, il reprend à bras-le-corps les hymnes de Never Mind The Bollocks avec une hargne stupéfiante. Mention spéciale à « Holidays in the Sun », repris avec une intensité rare, et une reprise bien sentie des Stooges en milieu de set.
Sur scène, pas de nostalgie poussiéreuse. Juste un son sec, droit, efficace, un groupe plus affûté que jamais – et certains diront même qu’ils n’ont jamais aussi bien joué. Un comble pour un groupe punk, mais un vrai plaisir pour nous.
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Petit détour sur la petite scène, Catchy Peril se pointe avec ses airs de freaks modernes. Dans un grésillement de tubes cathodiques, les quatre membres semblent tout droit sortis d’un clip de MTV oublié.
Leur musique ? Un mélange vaporeux et sauvage de post-punk, d’électro psyché et de glam déglingué. Ça grince, ça groove, ça ondule. Entre crasse et paillettes, Catchy Peril s’impose dans le paysage rock indé comme une tache de sauce gravy sur un négligé de soie : inattendu et foutrement captivant.
La journée se termine en apothéose avec Viagra Boys le groupe suédois débarque sur la grande scène du Jardin Sonore avec une énergie de bêtes mal léchées et une setlist affûtée comme jamais.
La suite sera une orgie de sueur, de rage, de poésie déglinguée et d’amour inconditionnel pour le chaos.
Sebastian Murphy, en grand prêtre tatoué à bedaine de bière caressée comme une relique païenne, harangue la foule avec son mélange habituel de provoc et d’autodérision. Autour de lui, le saxophoniste/guitariste Oskar Carls assure le spectacle avec des poses glam-rock dignes des premiers Roxy Music. Un pur personnage.
Et dans le public, c’est fusion nucléaire dans le pit.
Le set est un joyeux foutoir parfaitement contrôlé : entre nouveau titres et une avalanche de classiques balancés avec une rage toujours politique.
Tout y passe, dans un déluge de sueur, de mosh pits et de cris cathartiques.
Une programmation redoutable, une ambiance fidèle à l’esprit rock & défricheur du Jardin Sonore, et un immense regret de ne pas avoir pu couvrir les autres jours du festival.
Mais le 11 juillet à Vitrolles, entre punk cradingue, pop psyché et pogo burlesque, la musique vivante était bien là.
Et on peut déjà cocher 2026 sur le calendrier.
Merci à Sophie, Esther et Marine de Village 42 pour l’accréditation
Chronique et Photos : Velasco