Il y a des concerts qu’on vit, et d’autres qui vous traversent. Ce 19 juillet, dans l’écrin minéral et intimiste du Château de l’Empéri à Salon-de-Provence, Robert Plant et Saving Grace ont offert bien plus qu’un concert : un moment suspendu, une incantation musicale, entre folk mystique et soul transcendante. Formé en 2019, Saving Grace est devenu au fil des années un véritable collectif, soudé et exigeant. Ce soir-là, aux côtés de Plant, on retrouvait la remarquable Suzi Dian au chant et à l’accordéon, Oli Jefferson aux percussions, Tony Kelsey à la guitare, Matt Worley au banjo et au cuatro, et Barney Morse-Brown au violoncelle. Ensemble, ils composent une formation atypique, à la croisée du folk, du blues, du bluegrass et des musiques du monde. Une sorte de soul psychédélique acoustique, délicate mais habitée, traversée par des traditions anciennes et une volonté très actuelle de faire vibrer l’instant.
Dès les premières notes, la magie opère. Plant ne cherche pas à tirer toute la couverture à lui : il s’efface, met en avant ses musiciens. Le public, conquis d’emblée, suit ce voyage musical avec une attention rare. l’écoute est totale, presque religieuse. Le groupe enchaine avec The Cuckoo, un traditionnel anglais murmuré dans la douceur du soir. La voix de Plant, plus contenue mais toujours reconnaissable entre mille, caresse littéralement les vieilles pierres du château. Il joue de la nuance, de l’ombre, de l’espace. En face, Suzi Dian l’enveloppe de ses harmoniques profondes, dans une complicité évidente, digne des plus belles collaborations vocales de sa carrière. Leur complicité scénique est évidente, pleine de douceur et de respect.
Le concert file comme une traversée des âges et des mondes, Angel Dance donne le ton de cette folk mâtinée d’énergie, Ramble On prend une dimension quasi chamanique. Deux morceaux inédits, Everybody’s Song et As I Roved Out, annoncent un nouvel album attendu pour le 26 septembre, et sont reçus avec une ferveur rare pour des inédits. Et puis il y a les clins d’œil au passé, jamais forcés. Four Sticks (Led Zeppelin IV), devient une transe percussive, soutenue par les claps du public. Friends, en semi-acoustique, trouve une nouvelle jeunesse. Le concert s’achève sur une puissante reprise de Gallows Pole, entre gospel et folk incantatoire, qui fait monter l’intensité une dernière fois avant les saluts.
Mais au-delà du répertoire, c’est l’esprit de la soirée qui marque : celui d’un musicien qui, à bientôt 77 ans, continue de chercher, d’expérimenter, de se réinventer. Plant, fidèle à son humour discret, s’essaye à quelques mots en français — “Merci bien, Bonne soirée »
Au sortir de la cour du château, les visages sont encore habités. Pas de grand show, pas de démonstration technique, mais quelque chose de bien plus rare : un moment de sincérité, de musique vraie. Une parenthèse lumineuse dans la chaleur d’un soir d’été à Salon-de-Provence. Un concert qui résonnera longtemps.
C’est exactement ce qu’on a vécu, une très belle chronique pour un moment fabuleux, suspendu dans l’espace et le temps… vous m’avez inspiré 😁